La mort de Cléomène Ier de Sparte

Retour sur une histoire de relations maritimes, de Scythes et de drogue

Alternative en ligne :

https://us02web.zoom.us/j/83154414637?pwd=ODJzVHE1TmtSOGRjblZyeDc3dnRtdz09.

Horaires : 19 heures

Lieu : Sorbonne-Université

Institution organisatrice : Association Sorbonne Antique

Intervenants : Jacqueline Christien, AnHiMA – UMR 8210

Public visé : étudiants et chercheurs

À travers la mort, en 488, du roi Cléomène Ier de Sparte, représentant de la famille des Agiades, Jacqueline Christien propose une vision inhabituelle de Sparte ; celle cependant qui permet de comprendre pourquoi, en 480, personne ne dispute à la cité du Péloponnèse le droit de conduire la flotte des Grecs rassemblés contre les Perses ! ; celle qui montre les rapports avérés entre Sparte et les Scythes Sakas, ce peuple de nomades vivant au fond de la Mer Noire et dont Hérodote nous a décrit les mœurs ; celle de Médée, qui incarne dans le mythe l’usage des drogues et le dispute à Dionysos, le dieu du vin. Car, si l’on reconsidère les sources, à commencer par Hérodote, et que l’on souhaite aller au-delà du mirage spartiate, on constate que Cléomène Ier a été très en contact avec le monde extérieur ; ce fut un politique qui fréquenta Athéniens, Milésiens et entre autres des Scythes, un adepte sans doute des drogues qu’il connut d’eux, ce qui pourrait bien être la cause de sa folie et de sa mort.

Synopsis

1. Sparte, un pays maritime

Lacédémone est d’abord « la creuse Lacédémone », c’est-à-dire la plaine moyenne de l’Eurotas, où se trouvent Sparte et Amyklées. Très vite, par incorporation des Minyens (ensuite rejetés) elle possède le Taygète, c’est-à-dire le Magne et ses ports du Cap Ténare, puis c’est l’installation des gens d’Asiné et ensuite de Mothoné , des marins , dans les pointes du Cap Akritas, la main mise sur les côtes de Messénie aux plages dangereusement accueillantes et enfin la conquête de la côte orientale du Péloponnèse et Cythère, au milieu du VIe siècle .

À ce moment-là, Sparte contrôle entièrement la route nord de la transversale méditerranéenne et est incontournable pour les vaisseaux qui vont du bassin égéen au bassin méridional de la Méditerranée.

Mais se produit alors un bouleversement. Les dynamiques cités d’Asie Mineure tombent sous la coupe des Perses. Ceux-ci avancent inexorablement, prenant aussi peu à peu les îles. En 525, Sparte et Corinthe, signant ainsi l’existence de la ligue du Péloponnèse, tentent de s’emparer de Samos qui contrôle certains des trafics méditerranéens les plus fructueux à travers ses emporia. C’est un échec et en 519 Samos passe aussi sous le joug perse.

2. Les rapports entre Sparte et les Scythes royaux

Il y a, à ce moment-là, à Sparte, une curieuse situation. Non seulement il y a la dyarchie traditionnelle, mais la maison des Agiades présente quasiment deux prétendants légitimes au trône. Les Éphores ayant désigné Cléomène comme le roi légitime, le régime s’arrange pour éloigner Dorieus à qui seront confiées des expéditions vers l’Ouest.

À Cléomène il reste donc les contacts en Grèce, avec Milet qui a su courber l’échine et garder de ce fait une certaine existence malgré l’impérialisme perse, et… avec les Scythes du fond de la Mer Noire. Cela nous est dit et réaffirmé par Hérodote.

Le contact se fait peut-être d’ailleurs plus ou moins par l’intermédiaire de Milet qui transforme alors ses emporia de la Mer Noire en colonies, permettant ainsi aux Ioniens de partir vers la Liberté comme l’on fait les Phocéens ou les Samiens partant eux vers l’occident !

Au fond de la Mer Noire, il y a alors sans doute Dioscourias dont on n’a pas trouvé l’emplacement de façon certaine et on assiste à la création de Phasis. Le musée de Batoumi montre plusieurs pièces attestant de ce fait.

Mais le plus étonnant est venu pour moi du musée de Saint Petersbourg. Les Rois et les Éphores sont crédités de peaux d’hommes tatoués qui leur servent de talisman. Les hommes tatoués dont on a les momies ont été retrouvés dans l’Altaï… mais ils avaient vécu dans les basses terres chaudes avant d’être enterrés avec leur matériel chamanique en altitude.

Or si Hérodote parle librement de l’utilisation de la drogue par les Scythes, quand il s’agit des Grecs… pas question. Ainsi Cléomène, qui présente, à la fin de sa vie, de nombreux traits d’utilisateur de drogue est dit « avoir appris des Scythes l’usage du vin pur ». Pas de concurrence à Dionysos, donc ; mais si l’histoire, le logos, refuse de nommer la déviance, le mythe, langage normal des Grecs, lui, n’est pas tenu à cette discrétion.

3. Mythe et histoire. Médée et le langage du mythe

Justement la mythologie grecque présente un personnage venu de Colchide, Médée.

C’est certes une magicienne, mais au début de l’histoire grecque c’est surtout la petite fille du soleil, Hélios, et elle vient tranquillement régner, de Iolchos, sur Corinthe où Hélios règne sur l’Acrocorinthe.

C’est au cours des siècles suivants qu’elle sera déchue de sa divinité et par contre deviendra une magicienne maléfique au point de tuer ses enfants comme nous le raconte Euripide et…de repartir pour … la Médie ou ailleurs. Le mythe nous raconte donc désormais que ces drogues sont des poisons maléfiques qu’il faut éliminer.

Et Gloire à Dionysos qui verse la seule drogue qu’acceptent les Grecs.

Conclusion : La mort de Cléomène Ier de Sparte est à lire dans un contexte de Sparte totalement différente de celle que connaissent les écrivains du Ve siècle, une Sparte qui cherche à récupérer certaines des routes des Samiens (voire des Rhodiens) pour s’assurer un approvisionnement en métaux, nécessaires à sa puissance militaire, une Sparte qui disparait avec la création de l’Empire athénien et le partage de la méditerranée en 2 bassins, le bassin égéen lieu de la puissance d’Athènes, le bassin occidental, lieu de la richesse de Corinthe. La route est-ouest de la méditerranée n’a plus lieu d’être et la Sparte du Ve siècle s’affaiblit inexorablement .

 

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