Gaïa, phusis, kosmos : éclairages antiques sur la crise écologique actuelle
Horaires : 17h-19 heures
Lieu : Maison de la Recherche Germaine Tillion, Amphithéâtre Germaine Tillion, 5 bis boulevard de Lavoisier, 49000 Angers
Institution organisatrice : Université d’Angers, Laboratoire TEMOS UMR 9016
Intervenants : William Pillot, Maître de Conférences en Histoire grecque antique, université d’Angers, Amarande Laffon, Maison des Sciences Humaines Ange Guépin, Nantes
Tout public
La pensée grecque est souvent désignée comme l’origine de la rupture entre nature et culture, spécificité occidentale dont la responsabilité incomberait, en dernière analyse, à la philosophie grecque. Cette thèse est notamment défendue par le philosophe américain spécialiste de l’éthique environnementale John Baird Callicott. Cet enjeu fondamental à l’ère de l’Anthropocène mérite réflexion dans la mesure où sa compréhension peut être considérée comme le prélude intellectuel nécessaire à la modification des modes de vie contemporains permettant de sortir de la crise écologique actuelle. Or c’est bien une déesse grecque qui a été choisie par plusieurs penseurs contemporains comme figure de référence pour interroger l’évolution des relations entre l’homme et la nature dans le contexte de la crise climatique que nous traversons (James Lovelock, Bruno Latour).
Les nombreux problèmes soulevés par la fiction d’une Terre unifiée et divinisée méritent qu’on y prête attention : implication d’un certain mysticisme, problèmes de toute représentation unitaire, holiste, englobante du monde, problème de l’identification des responsabilités et de la culpabilisation, question des points de vue que suppose le mythe de Gaïa, notamment le point de vue surplombant. Ce dernier, en tant que point de vue scientifique extérieur, ou « extraterrestre », celui de la Terre vue du ciel, entre en contradiction avec les différentes traditions antiques transmises par le monde grec, dont l’Occident et les Modernes se présentent pourtant volontiers comme les héritiers directs et uniques. La pensée grecque invite paradoxalement à un tout autre point de vue, résolument « terrien », dans lequel l’humain est inextricablement lié au reste du vivant dans un monde clos, dont Gaïa forme l’une des personnifications mythiques les plus fameuses. Aristote est le premier à qualifier ce monde terrien de « sublunaire » pour l’opposer à l’univers, ou kosmos, qui n’est justement pas la Nature (phusis). D’où la pertinence, à l’heure d’évolutions rapides et globales, d’un éclairage par le temps long.
Un éclairage pluriculturel et historicisé, des multiples façons dont les humains se sont rapportés, scientifiquement comme mythiquement, à la Terre qu’ils habitent, des multiples récits par lesquels ils ont pu rendre compte de relations de domestication, de connaissance, d’aménagement mais aussi d’émerveillement, de mystère, de mythification. Sous quelles formes la Terre émerge-t-elle comme objet de pensée ? Comment se sont articulées sa dimension sacrée et celle, pratique, de son aménagement par les hommes, entre ce que Hadot a distingué respectivement comme attitudes orphique et attitude prométhéenne ? Tel est l’enjeu général de la conférence proposée dans le cadre des Nocturnes de l’Histoire 2022, en lien avec le projet HESIODE, financé par la Maison des Sciences de l’Homme Ange Guépin.