Une «drôle de neutralité» : la Suède entre 1939 et 1945
Horaires : 18h15-19h45
Lieu : Salle de lecture du Département de la Bibliothèque nordique, bibliothèque Sainte-Geneviève, 6 rue Valette, 75005 Paris
Institution organisatrice : Département de la Bibliothèque nordique, Bibliothèque Sainte-Geneviève
Intervenants : Patrick Imhaus, ancien Ambassadeur de France en Suède, ancien Président de TV5 Monde
Public : Grand public, amateurs intéressés par l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et par l’histoire des pays nordiques
Au début de la Seconde Guerre Mondiale, la Suède compte parmi les pays qui n’ont pris officiellement aucun parti, que ce soit en faveur des Alliés ou de l’Axe. La neutralité n’était pas chose nouvelle pour la Suède : depuis l’avènement de Jean-Baptiste Bernadotte sous le nom de Charles XIV Jean en 1818, elle était érigée en principe et en réalité, certes avec des significations variables, mais toujours au nom de la préservation de la souveraineté politique suédoise. À la différence d’autres pays neutres ayant subi une invasion ou s’étant engagés dans un camp ou dans l’autre, notamment après 1941, la Suède conserve son statut de pays non-belligérant jusqu’à la fin de la guerre. Après la fin de la guerre, la Suède continue d’envisager la neutralité comme une tradition nationale, voire une position morale, faisant partie intégrante des mentalités, du « modèle suédois », lui garantissant en pleine Guerre Froide le statut de havre de paix à l’écart des multiples conflits auxquels étaient exposés l’Europe et le monde, et dont les objectifs internationaux se bornent à suivre la promotion de la paix portée par les organisations internationales.
Cette vision de la neutralité suédoise ne commence à être fondamentalement remise en question qu’à partir des années 1970 et surtout des années 1980. L’historiographie développée hors de Suède joue alors un rôle décisif dans cette remise en question. Les analyses de la position de la Suède pendant la Seconde Guerre mondiale commencent alors à mettre au jour une neutralité beaucoup plus ambiguë, sujette à de multiples entorses plus ou moins sérieuses, au gré de l’évolution du conflit (Guerre d’hiver entre l’Union Soviétique et la Finlande, invasion du Danemark et de la Norvège par l’Allemagne nazie, occupation de l’Islande par la Grande-Bretagne puis les États-Unis) comme des considérations économiques, et des évolutions de l’opinion publique suédoise. Si l’on procède à la comparaison de la position suédoise avec celle d’autres pays neutres, telles que la Suisse, l’Irlande, la Turquie, le Portugal et l’Espagne, plusieurs éléments permettent de mettre en lumière la complexité et la singularité de la position suédoise à l’époque. Cette singularité admet plusieurs niveaux de lecture, que l’on se place au niveau strictement diplomatique, ou à celui de la politique intérieure suédoise, ou bien encore à celui de la manière dont la neutralité et son maintien sont perçus au sein des différentes couches de la société suédoise de l’époque.
Ancien Ambassadeur de France en Suède, auteur de l’ouvrage Les Deux Raoul et les Autobus Blancs (2012) et co-auteur de l’ouvrage collectif Les Neutres pendant la Seconde Guerre mondiale (en préparation, à paraître chez Buchet-Chastel à l’été 2022), Patrick Imhaus se propose dans sa conférence de donner un certain nombre d’éléments-clefs permettant de saisir le rôle singulier joué par la Suède en tant que pays non-belligérant, loin des visions qui ont encore traditionnellement cours.